La manœuvre de pouvoir d’un président menace l’indépendance sacrée de la Fed

La récente tentative du président Donald Trump de destituer la gouverneure de la Réserve fédérale, Lisa Cook, a suscité l’inquiétude des économistes et des analystes financiers quant à une possible érosion de l’indépendance de longue date de la Réserve fédérale. Cook, nommée par le président Joe Biden en 2022, est membre votant du Federal Open Market Committee (FOMC), qui fixe les taux d’intérêt à travers l’économie américaine. Si elle aboutit, l’initiative de Trump pourrait ouvrir la voie à la nomination d’un nouveau gouverneur de la Fed aligné sur son programme économique, ce qui pourrait potentiellement faire pencher l’équilibre du conseil vers des politiques favorisant des taux d’intérêt plus bas. Cela pourrait, en retour, compromettre la capacité de la banque centrale à agir en fonction des conditions macroéconomiques plutôt que sous la pression politique.

La controverse a éclaté après que Trump a accusé Cook de fraude hypothécaire, citant un signalement de la Federal Housing Finance Agency. Cook a nié ces allégations et a promis de contester la décision devant la justice. Les analystes soutiennent que la destitution d’un gouverneur de la Fed pour motif valable est sans précédent, aucun cas historique de ce type n’ayant été recensé. Rebecca Patterson, ancienne stratège chez Bridgewater Associates et senior fellow au Council on Foreign Relations, avertit que la politisation de la Fed pourrait entraîner une série de conséquences économiques, notamment une performance boursière plus faible, une inflation plus élevée, une dépréciation de la monnaie et une réduction des investissements directs étrangers. Patterson souligne que les États-Unis ne sont pas à l’abri des conséquences observées dans les pays ayant perdu l’intégrité institutionnelle de leur système bancaire central.

Historiquement, la Réserve fédérale a maintenu un certain degré d’indépendance afin de protéger la politique monétaire des cycles politiques à court terme. Cela a permis à la Fed de réagir aux données économiques sans être influencée par les préférences présidentielles. Cependant, la pression de Trump en faveur de taux plus bas—répétée tout au long de son mandat—a déjà exercé une pression politique sur la Fed. Selon Jeremy Kress, professeur d’économie à l’Université du Michigan et ancien avocat au sein du Federal Reserve Board, la tentative de licenciement de Cook constitue une remise en cause directe du système de freins et contrepoids qui régit depuis longtemps la politique monétaire américaine. Kress note que cette indépendance a largement contribué à la stabilité de l’économie américaine au cours du siècle passé.

Les institutions économiques se sont également exprimées sur la question. L’Economic Policy Institute a averti qu’une ingérence présidentielle dans la Fed pourrait entraîner une inflation plus élevée, car cela supprimerait un contrôle clé sur l’endettement gouvernemental. L’organisation a souligné que si les décisions de la Fed étaient motivées par des préférences politiques plutôt que par une analyse économique solide, la confiance dans sa capacité à gérer de futures tensions économiques—telles que des poussées d’inflation ou de chômage—diminuerait. Elizabeth Wilkins, ancienne chef de cabinet du président de la Federal Trade Commission, a ajouté qu’une telle ingérence pourrait rendre les marchés financiers moins stables et alimenter les pressions inflationnistes, nuisant en fin de compte aux ménages et affaiblissant l’économie dans son ensemble.

Le marché a jusqu’à présent réagi avec prudence. Bien que les actions aient initialement chuté à l’annonce de la destitution de Cook, elles se sont redressées à la mi-journée, le S&P 500 gagnant 0,2%. Cependant, le rendement des bons du Trésor à 30 ans a brièvement atteint ses sommets d’août, signalant l’inquiétude des investisseurs quant aux anticipations d’inflation. George Saravelos de Deutsche Bank a averti que la Fed est désormais exposée à des « risques croissants de dominance budgétaire », une situation dans laquelle le président exerce une influence excessive sur la politique monétaire. Il a noté que la réaction modérée du marché pourrait s’expliquer par une sous-estimation des implications à long terme d’une telle ingérence.

L’incertitude juridique et politique plane alors que le différend se dirige vers la Cour suprême, qui devra déterminer l’étendue de l’autorité présidentielle en la matière. L’issue pourrait avoir des conséquences de grande portée sur la structure de la gouvernance monétaire américaine, modifiant potentiellement la manière dont la Fed réagit aux conditions économiques plutôt qu’aux directives politiques. Alan Blinder, ancien vice-président de la Fed et professeur d’économie à Princeton, a déclaré que les implications de ce moment dépassent largement la politique actuelle des taux, mettant en garde contre une instabilité à long terme si la Maison Blanche acquiert trop de contrôle sur la banque centrale.